De bénéficiaire à médiatrice en santé : le parcours d’Alice au sein de l’association Agir pour la Santé des Femmes
Alice a intégré le programme “Médiation en santé - femmes “Repaires”” de l’ADSF-Agir pour la Santé des Femmes, après avoir elle-même bénéficié des services de l’association. Elle nous a raconté son parcours et son engagement.
Alice vient de Côte d’Ivoire. Mère de famille, diplômée d’un master en gestion, elle y travaillait pour une ONG américaine, pour l’aide au développement dans le secteur de l’agriculture. En 2016, des soucis personnels et de santé – un glaucome sévère qui menace sa vue – la poussent à venir en France. D’abord accueillie par une connaissance, elle se retrouve sans hébergement. L’hôpital qui la suit pour ses yeux lui indique un centre d’accueil de jour dans le 12ème arrondissement de Paris. C’est là qu’elle rencontre les équipes de l’association ADSF-Agir pour la Santé des Femmes. Ce jour-là, l’ADSF propose aux femmes de réaliser un frottis dans le cadre de son activité de prévention et de dépistage du cancer du col de l’utérus. De fil en aiguille, Alice apprend que l’association recherche des bénévoles et décide de s’engager.
“Je voulais aider d’autres femmes à passer des étapes difficiles que j’ai moi-même connues.”
“Je voulais aider d’autres femmes à passer des étapes difficiles que j’ai moi-même connues, me sentir utile, mieux connaître la société française et contribuer à ma manière”, explique-t-elle. En tant que bénévole, elle rejoint le programme “Médiation en santé – femmes “Repaires”” qui permet à des femmes issues du public cible de l’association de devenir médiatrices en santé. Quand Alice commence, début 2018, elles sont deux, puis trois, et aujourd’hui l’association compte 7 femmes “Repaires”. Alice apprend la médiation sur le terrain. Elle commence par les appels téléphoniques de suivi aux femmes précaires identifiées par l’association, elle fait ensuite des maraudes et est affectée à un public spécifique : les femmes victimes de traite à des fins d’exploitation sexuelle.
Notre présence aide aussi les professionnels, comme les médecins, à mieux comprendre la situation de ces femmes, à mieux les considérer.
“Ma présence les rassure.”
Sa maîtrise du français, de l’anglais mais aussi du bambara (une des langues nationales du Mali) lui permettent d’entrer facilement en contact avec les femmes suivies, de gagner leur confiance et de les aider à dépasser la barrière de la langue, frein majeur pour leur accès au système de soins. Aujourd’hui, Alice agit pour l’association 2 jours entiers et 3 après-midi par semaine. Sans compter les maraudes de soirée au Bois de Vincennes. Le reste du temps, elle fait le ménage chez une dame de 93 ans pour subvenir à ses besoins. Car sans titre de séjour, elle ne peut pas être salariée… Une journée typique à l’ADSF ? “Après une maraude où l’on a rencontré des femmes et recueilli leurs besoins en santé, on rentre au bureau et on les appelle pour leur proposer un rendez-vous. Là, on fait le point sur leur couverture médicale et, qu’elles en aient une ou pas, on les rassure et on démarre l’accompagnement. Cela signifie prendre pour elles les rendez-vous dont elles ont besoin, que ce soit des rendez-vous médicaux ou avec une assistante sociale. Très souvent, elles me demandent de venir avec elles. Ma présence les rassure.” Alice accompagne les femmes qu’elle suit dans toutes les étapes nécessaires pour leur apprendre à être autonomes.
“Être accompagnées, c’est une nécessité absolue pour les femmes en situation de précarité.”
Elle leur montre tous les circuits administratifs liés à la santé, les informe sur leurs droits, les emmènent à la pharmacie, aux examens médicaux pour établir le contact avec les professionnels… Cet accompagnement dure parfois plusieurs mois, notamment en raison de la barrière de la langue. Alice tient à insister sur ce point : “Être accompagnées, c’est une nécessité absolue pour les femmes en situation de précarité. Avec l’accompagnement et le suivi, on voit tout de suite le changement sur la prise en charge de leur santé mais aussi sur leur état psychologique. Ces femmes ont besoin qu’on s’intéresse à elles. Elles sont souvent seules et, pour elles, la médiatrice remplace le parent ou l’accompagnant qui ne peut pas être là. Elles ont besoin qu’on les écoute. Et puis notre présence aide aussi les professionnels, comme les médecins, à mieux comprendre la situation de ces femmes, à mieux les considérer.”
Mon souhait, c’est d’obtenir enfin un titre de séjour, soigner mon deuxième œil, suivre une formation à la médiation et être embauchée. Pour valoriser ce que je fais et en faire mon métier.
“Avec le confinement, quand tout est fermé, on doit aller encore plus vers elles.”
Avec la pandémie de Covid-19 et les périodes de confinement, Alice et toutes les personnes qui font vivre l’ADSF ont vu les besoins des femmes précaires exploser. “Avec le confinement, quand tout est fermé, on doit aller encore plus vers elles. On intensifie les maraudes, on les appelle pour prendre de leurs nouvelles, on vérifie si elles ont des problèmes d’alimentation, d’hébergement, si elles ont des masques… On vérifie qu’elles ont compris les règles de couvre-feu ou de confinement, on explique les mesures barrières, on fournit aussi les attestations de déplacement pour leurs rendez-vous médicaux…”
“C’est ma lutte personnelle d’aider ces femmes.”
Comment absorber tout cela quand on est soi-même en difficulté ? “J’ai été élevée à la dure, je suis mère de famille, c’est ma lutte personnelle d’aider ces femmes, ne serait-ce que par un conseil, une action de prévention, etc… Et puis avec les autres bénévoles, on a accès à un suivi psychologique au sein de l’association.” Avec l’ADSF, Alice a appris un nouveau métier, celui de la médiation, qui mérite d’être reconnu et valorisé. Faute de titre de séjour, elle est contrainte de l’exercer bénévolement mais qu’on ne s’y trompe pas : elle a développé une véritable expertise. “Mon souhait, c’est d’obtenir enfin un titre de séjour, soigner mon deuxième œil, suivre une formation à la médiation et être embauchée. Pour valoriser ce que je fais et en faire mon métier.”
Pour en savoir plus
ADSF-Agir pour la Santé des Femmes est l’un des trois grands partenaires de la Fondation nehs Dominique Bénéteau qui bénéficient d’un soutien pluriannuel. La Fondation soutient en particulier son projet d’accompagnement des professionnels de santé à la prise en charge des femmes en situation d’exclusion. Pour en savoir plus sur ce projet, cliquez ici.